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Porca miseria de Tonino Benacquista est un essai autobiographique (Gallimard, 2022) constitué de courts chapitres que l’auteur parvient à faire se succéder de façon chronologique tout en donnant à chacun une unité thématique. Son récit sobre et pudique du parcours de ses parents Cesare et Elena venus d’Italie ainsi que de leur vie avec leurs enfants une fois établis en France est très prenant. Mais les pages où il revient sur son accès progressif à la lecture et à la culture, avec les obstacles rencontrés, retiennent également l’attention.

A noter aussi des pages poétiques où il imagine ce qu’aurait été la vie de ses parents et de ses sœurs si le cours des choses avait été autre. Pas de longueurs dans ce livre, où l’auteur donne une description à la fois sensible et sans concessions de son enfance et de sa prime jeunesse. Enfance dont il va surmonter les âpretés par la passion de l’écriture et le succès rencontré, mais dont les aspects les plus douloureux vont pourtant resurgir en lui plus tard jusqu’à l’entraver dans sa vie quotidienne.

En guise de coups de cœur complémentaires de cette lecture ajoutons : Une vie de Maupassant et La Guerre du feu de J.-H. Rosny aîné, romans auxquels Tonino Benacquista consacre dans son livre des pages savoureuses et mémorables au sujet de l’inévidence de la lecture, mais aussi de la fiction.

La façon dont il décrit l’obstacle multiforme (voire le barrage infranchissable comme cela a d’abord été le cas pour lui enfant) que constituent les premières lignes d’un roman donnent beaucoup à penser. L’exemple qu’il prend du (superbe) incipit de La Guerre du feu (Les Oulhamr fuyaient dans la nuit épouvantable. Fous de souffrance et de fatigue, tout leur semblait vain devant la calamité suprême : le feu était mort.) peut être mis en rapport avec les célèbres remarques de Paul Valéry (du point de vue de l’écriture) au sujet du caractère arbitraire de toute fiction et de son impossibilité à écrire des phrases telles que La marquise prit le train de neuf heures.

Mentionnons aussi les Chroniques martiennes de Ray Bradbury auxquelles Tonino Benacquista consacre également quelques pages, recueil de nouvelles revêtant l’apparence d’un livre un peu daté (1950, les martiens…) mais qui a gardé toute sa force et sa pertinence.

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