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Funny Games de Michael Haneke est un film sur la violence, le sadisme et la représentation légère - voire second degré - de ceux-ci dans la société contemporaine. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il fait mouche sur ce thème trop souvent laissé aux réalisateurs spectaculaires américains comme Quentin Tarantino ou encore Eli Roth (il y en a pleins d’autres, c’est la mode).

N’espérez donc pas ici d’effusions de sang délirantes, de tête coupée, de bonne répartie et autre blague après une scène atroce car nous nous trouvons dans une tentative de filmer réellement ce qu’est la violence, le meurtre, la séquestration. On ne meurt pas forcément d’une balle, on ne passe pas à la scène suivante en deux secondes en prenant un peu de pop-corn et de soda. Le film pourra vous sembler durer des heures mais c’est bien là que les choses se jouent. Rien n’est facile, tout prend du temps et le malaise vient aussi de là.

Dans ce film, on subit, on souffre, on souhaite que ça se termine au plus vite pour cette petite famille bourgeoise autrichienne un peu terne. Ils viennent tout juste d’arriver dans leur résidence secondaire quand deux jeunes hommes habillés en golfeur leur demandent des œufs pour une famille voisine. C’est le début du cauchemar. S’en suivra un pénible chemin de croix à l’issue fatale.

Rien ici ne vous mettra à l’aise et c’est aussi une des grandes qualités de ce film. L’envie est de montrer que la violence n’est pas quelque chose dont on peut rire contrairement à ce qui nous est présenté dans le cinéma d’action américain (combien de morts dans les films de Michael Bay, dans la série des Die Hard avec Bruce Willis, les Transformers sans que la moindre place leur soit laissée? allez zou on enchaîne !). Dans ce film, Haneke semble vouloir répondre à cela en respectant ses personnages (la scène clairement insoutenable et interminable de la télévision allumée en est un parfait exemple). Avec cette idée, le film est à rapprocher d’une œuvre comme Chien de paille de Sam Peckinpah, qui questionne plus sur le fait qu’en chacun de nous sommeillerait un monstre ou tout du moins quelqu’un capable d’actes terribles pour arriver à ses fins, le tout étant filmé de manière très classique sans effet ou tentative de minorer ce qui se passe à l’écran.

Le rôle du spectateur est aussi interrogé dans ce film, notamment quand l’un des tortionnaires parle directement à la caméra en expliquant que l’on va prendre son temps car sinon il n’y aurait pas de plaisir…. Cela pourrait faire sourire dans certains films mais clairement pas ici.

Le film est bien entendu interdit au moins de 16 ans et cela est plus que compréhensible vu la rudesse du propos et des actes des deux jeunes face à leurs victimes du jour. Michael Haneke voulait à la base réaliser ce film pour les spectateurs du continent américain qui sont, selon lui, les plus abreuvés d’images de violence atroce et quotidienne rendant totalement amorphe ou sans la moindre empathie pour qui que ce soit. Malheureusement, une grande partie du public américain ne regardant que rarement des films en langue étrangère, il lui a été proposé de faire un remake de son œuvre avec des acteurs reconnus (Naomi Watts et Tim Roth) et en anglais. Le film reprend plan pour plan celui tourné en allemand (y compris le morceau Bonehead de Naked City), ce qui démontre bien sa volonté première. Le remake n’a pas marché aux Etats-Unis de manière assez peu surprenante mais au moins Haneke est allé au bout de son idée à savoir montrer que certaines choses ne sont ni légères, ni drôles et que le cynisme et l’apathie semblent gagner du terrain dans le cinéma.

 

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