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L’Art de perdre d’Alice Zeniter publié chez Flammarion a été récompensé par le prix Goncourt des lycéens.
Bof me direz-vous, un énième roman sur la Guerre d'Algérie, la décolonisation, le déracinement et les problèmes d'intégration.
Non non non ! Il est foisonnant et passionnant. Il mêle la Grande Histoire et les petites histoires et il est sans parti-pris.

Il s’ouvre par un prologue qui met en scène de nos jours, Naïma une jeune trentenaire qui s’interroge sur ses racines. Elle ne connaît pas l’Algérie, ce pays qu’on lui attribue. Pourtant Naïma n’est pas la narratrice. Celle qui parle est une narratrice omnisciente qui va non seulement nous raconter la démarche de Naïma qui appartient à la "troisième génération", mais aussi nous faire découvrir la vie d'Ali, son grand-père puis celle de son père Hamid.

 

L'Algérie de papa

La première partie s’intitule "L’Algérie de papa" et retrace le parcours d’Ali. Né en Algérie, notable de son petit village kabyle perché dans les montagnes il aime son pays et ne le quitterait pour rien au monde. Mais il ne veut pas renoncer à sa pension. II a combattu dans l'armée française, il en est revenu décoré, il aurait pu perdre la vie : sa pension, il la mérite ! Puis il doit se positionner et va mettre son village sous la protection des français et c’est ainsi qu’après les accords d'Evian, il devient harki presque malgré lui ! Il doit fuir avec femme et enfants. En 1962, la famille se retrouve en France parquée, déclassée dans un camp de transit entouré de barbelés dans le sud de la France où ils connaîtront le froid, la faim et un déracinement complet. La famille sera ensuite encore déplacée avant d'atterrir en Normandie, dans un HLM étriqué. Ce sera l'usine pour Ali, une langue qu’il ne comprend pas. Il deviendra un homme blessé et dépossédé. Il va peu à peu s'effacer ne laissant qu’une page blanche sur laquelle ses enfants écriront leur histoire.

 

La France froide

La 2ème partie du roman s’intitule "La France froide" et le projecteur se tourne sur Hamid, le fils aîné d’Ali qui en1962 a 8 ans. On vit à travers lui le temps de la nostalgie du pays perdu mais aussi du silence autour de ce pays absent de leur vie. On voit les efforts d'intégration mais aussi la confrontation au racisme ambiant. Hamid, brillant élève va au lycée et intègre les codes. Coincé entre deux cultures avec le désir fou de ne plus être ramené à ses origines, marié à une dijonnaise, il efface l’Algérie de sa mémoire. Le garçon tourmenté deviendra un homme secret.

 

Paris est une fête

La dernière partie "Paris est une fête" est consacrée à Naima une des filles d’Hamid. C’est une jeune femme moderne, travaillant dans une galerie d'art, cataloguée "double culture" alors qu'elle connaît à peine trois mots d'arabe. En quête d'identité, elle va ressentir le besoin de partir sur les traces de sa famille. Elle a des images en tête, des bribes un peu confuses, mais elle va devoir combler les vides de l'histoire par des recherches puis par la fiction. Naïma gagnera dans ce voyage en Algérie la liberté d’être elle-même. Cette dernière partie sera la seule réserve que je ferai concernant ce roman que j’ai dévoré. Cette partie m’a semblé trop longue, car les doutes de Naïma se diluent et ce voyage annoncé n’en finit pas de se mettre sur pied. On perd en puissance et c’est dommage après les deux premières parties qui sont de véritables coups de poing que l’on se prend en pleine figure.

 

Une valeur universelle

Cette réserve étant faite, précipitez vous sur ce roman ! Ces êtres qui souffrent, qui cherchent leur place dans une société complexe, qui veulent choisir librement leur identité, qui se trouvent emportés malgré eux dans la tourmente nous hantent car on ne peut pas dire "c’est fini tout ça". En résonance avec la situation actuelle de ces enfants, femmes et hommes que l’on déshumanise sous l’appellation "migrants", ce livre a, à mon sens, une valeur universelle.

 

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