itemprop='image'

Rapprocher les mots de consolation et de philosophie n’a rien d’évident aujourd’hui. On associe plutôt la consolation à la psychologie, à l’amitié, ou bien à la religion, mais moins spontanément à la philosophie. En effet depuis trois siècles la philosophie s’est très majoritairement présentée comme une entreprise de démystification, de destruction des illusions, n’ayant pas pour but d’apporter réconfort et consolation, mais plutôt inquiétude, soupçon, quelles qu’en soient les conséquences.

Pourtant consolation et philosophie ont longtemps été liées, et ce depuis l’Antiquité. Il est toute une tradition sur ce thème qui a perduré au fil des siècles. On peut en situer le point de départ dans les écrits de Cicéron puis de Sénèque. Chez Cicéron c’est à l’occasion d’un traité sur l’amitié, le Laelius, que l’idée prend forme, associant étroitement consolation, amitié et philosophie. Avec Sénèque, qui a laissé trois écrits intitulés Consolations on a l’illustration de ce qui devient un genre littéraire à part entière.

Cette tradition va s’épanouir pleinement au VIème siècle avec La Consolation de Philosophie que Boèce écrira dans les geôles de Théodoric, celui qu’on appellera « le dernier des Romains » ayant exercé auprès du roi des Ostrogoths, devenu maître de l’Italie, des fonctions prestigieuses mais à haut risque. Ce livre magistral et poignant sera une référence essentielle pendant tous les siècles qui suivront. Son influence sur Dante, qui a laissé une Consolation résumant son traité du Banquet (Il Convivio) est considérable, car elle est autant littéraire que philosophique, Dante reprenant dans la Vita Nuova l’alternance de vers et de prose, de poèmes et de réflexions qui est une des originalités du livre de Boèce. 

À la même époque Johannes Eckhart laisse un traité de La Consolation divine qui s’inscrit aussi dans cette tradition. Si chez Boèce la philosophie tendait vers le religieux, chez Eckhart, dominicain, le point de départ est religieux mais sa méditation a aussi une dimension au plus haut point philosophique. Chez Dante, dans un équilibre sans équivalent et qui lui est personnel, la consolation est associée inséparablement à la philosophie, à la religion et à la poésie.

Plusieurs livres ont été publiés ces dernières années qui reviennent sur le lien entre consolation et philosophie, en particulier Le temps de la consolation de Michaël Foessel, et Consolation philosophique de Vincent Delecroix. L’un et l’autre cherchent à mettre en évidence la spécificité de la consolation philosophique, en la distinguant des consolations de la psychologie que ces dernières prennent la forme d’aide au « travail de deuil » ou de « résilience ». La consolation philosophique apparaît alors non pas comme un dépassement de la peine, face à un événement ou à la vie en général, mais une façon d'accepter le chagrin, la mélancolie en les abordant autrement, c'est en ce sens que le livre de Michael Foessel valorise la notion de consolation. Le sens du mot consolation dans le langage courant semble osciller entre ces deux pôles, et désigner tantôt ce qui permet de surmonter la peine, tantôt ce qui seulement l'apaise, plus proche du réconfort.

Vincent Delecroix revendique le refus de faire son deuil, et d’une certaine façon d’être consolé. Il se débarrasserait volontiers de cette notion en tant que philosophe s'il ne devinait pas qu'il y a bien plus qu'il n'y paraît dans cette idée de consolation, ce que suggèrent les dernières pages de son livre. Il s’inscrit d’ailleurs dans la lignée des traités sur la consolation, le livre de Boèce étant son fil conducteur, qui lui inspire de très belles pages.

La philosophie vous semble-t-elle dotée foncièrement d’une vertu consolatrice ? Ou bien les idées, maximes, réflexions, démonstrations déductions, de la philosophie, vous paraissent-elles au contraire plutôt incapables d’apporter réconfort et consolation dans la peine ? Ce rôle de consolation participe-t-il d’ailleurs de sa raison d’être selon vous ?
En quoi consisterait pourtant ce caractère consolant qui n’a jamais été complètement absent de la philosophie ?

Ce sera le fil conducteur de notre soirée philo de cet automne.

Références bibliographiques :

  • L’amitié (Laelius), Cicéron, Les belles lettres

  • Consolations, Sénèque, Rivages poche

  • La Consolation de Philosophie, Boèce, Le livre de poche, coll. Lettres gothiques

  • La Divine Consolation, Maître Eckhart, Rivages poche

  • La Consolation, Dante Alighieri, La table ronde

  • Les consolations de la philosophie, Alain de Botton, Mercure de France, 2001

  • Le temps de la Consolation, Michaël Foessel, Seuil, 2015

  • Consolation philosophique, Vincent Delecroix, Payot & Rivages, 2020

  • Vivre avec nos morts, Petit traité de consolation, Delphine Horvilleur, Grasset, 2021

Détails sur cet événement

Aucune prochaine date