blog entete article seconde vie

En cette période de "bonnes résolutions" de début d’année, il peut être intéressant de se plonger dans ce livre (publié courant 2017 chez Grasset) écrit par le philosophe et sinologue François Jullien, qui essaie d’imaginer Une seconde vie – c’est son titre -, en prenant le contrepied du volontarisme et des illusions liés aux bonnes résolutions et aux rêves creux de vie meilleure ou de nouvelle vie.

L’ouvrage entier est un essai pour définir une "seconde vie" possible, l’expression de seconde vie (réminiscence nervalienne du début d’Aurélia) étant choisie à dessein par François Jullien qui entend faire barrage ainsi à toute idée impliquant le passage soudain à une nouvelle vie, et même à toute notion d’une deuxième ou par conséquent d’une énième vie nouvelle. Car l’idée centrale du livre est que cette autre vie, qui est une possibilité qui nous est toujours offerte, intervient moins, contrairement aux apparences, en opposition à notre vie qu’elle n’en découle. Mais si elle peut progressivement se faire jour dans notre vie, elle n’en découle pas d’office ni aussi facilement que le fruit succède à la fleur.

Cette autre vie possible n’est pas décrétée, mais décantée, pour reprendre des termes de l’auteur. Elle ne saurait être qualifiée correctement de nouveau début, car notre vie ayant commencé sans nous ce nouveau départ est en réalité le seul vrai début.

Chacun des chapitres de ce livre est une tentative pour circonscrire et définir un aspect de de cette seconde vie, de cette vie autre, qui peut s’épanouir au cœur de cette vie, mais qui reste trop souvent un rêve vain : sont ainsi abordées successivement les questions de la sagesse, de l’expérience, de la lucidité, ou encore de ce qu’il appelle le dégagement. Chaque fois, il indique en passant sa position par rapport à quelques philosophes qui ont traité également ces sujets, tantôt en notant des affinités, avec Platon, Saint Jean, Rousseau, et plus encore avec le classique du Taoïsme Zhuangzi (Tchouang-Tseu), tantôt, à propos de l’expérience, en se démarquant, ici du cartésianisme, là de l’Aufhebung hégélienne.

S’il est pourtant un philosophe que le point de vue de François Jullien, avec ce concept de seconde vie, évoque par-dessus tout, c’est bien Kierkegaard et son concept célèbre de "reprise", de "répétition" (d’un terme danois – Gjentagelsen – bien difficile à rendre en français). Mais là encore, François Jullien prend soin de différencier sa pensée en s’opposant à l’idée kierkegaardienne de nouveauté absolue, de "saut qualitatif" qui semble aller de pair avec l’idée de conversion à une nouvelle vie.

L’auteur conclut son propos avec quelques pages sur l’amour, mais aussi sur la lecture, et nous ne pouvons que conseiller aux amoureux de la lecture les pages qui ouvrent le dernier chapitre de son livre, consacrées à la relecture.

 

acces articleSur les ondes :

 

icone loupe Dans vos médiathèques :